« TransCo est une alternative aux PSE »

Le président de Certif Pro, Philippe Debruyne, revient sur l’ambition du nouveau dispositif Transitions Collectives qui permet aux entreprises d’anticiper les mutations économiques et de former les salariés à des métiers d’avenir sur leur bassin d’emploi sans passer par la case chômage. La cible : les PME-PMI de moins de 300 salariés.

Quelle est l’ambition du nouveau dispositif Transitions Collectives ?

L’ambition de TransCo est de proposer une alternative aux PSE. Avec la crise sanitaire actuelle des entreprises doivent engager une réflexion stratégique et se reposer la question de leur modèle économique, pour l’adapter, absorber le choc de cette crise et continuer à exister demain. Cette réflexion sur le business model de l’entreprise peut fragiliser les emplois. Aujourd’hui, dans le meilleur des cas, l’entreprise propose aux salariés dont l’emploi est menacé une reconversion professionnelle en interne en utilisant par exemple la Pro A. Mais pour ceux à qui l’entreprise ne propose pas de perspective, la solution jusqu’ici c’était le PSE. Le dispositif Transitions collectives c’est l’opportunité de repositionner des salariés sur des métiers porteurs dans leur bassin d’emploi en les formant, sans les faire passer par la case chômage.

Quelles sont les entreprises concernées ?

Toutes les entreprises ont accès à Transco mais il y a un axe fort sur les entreprises de moins de 300 salariés. Pour elles, le financement des Transitions collectives est intégralement pris en charge. L’une des conditions pour déployer le dispositif est de disposer d’un accord de gestion des emplois et des parcours professionnels (anciennement GPEC) dans lequel les emplois fragilisés sont clairement identifiés. Or les entreprises de moins de 300 salariés n’ont pas d’obligation de négocier sur ces sujets aujourd’hui. Pour permettre à ces entreprises de s’emparer rapidement de Transitions collectives, un modèle d’accord de GEPP est proposé pour que leurs partenaires sociaux ne partent pas d’une feuille blanche. De plus, les Opco et les Direccte ont pour mission d’apporter un appui technique aux entreprises sur le sujet. Ensuite tout l’enjeu sera d’articuler le dialogue social dans les entreprises et le dialogue social au niveau territorial.

Quelles sont les conditions de la réussite de ce dispositif ?

Pour qu’il fonctionne, les acteurs territoriaux doivent se parler, travailler ensemble : les entreprises dont les emplois sont fragilisés et celles en manque de compétences, mais aussi les opérateurs que sont les opco, les CEP, les Transitions Pro qui sont là pour accompagner les employeurs et les salariés dans ce dispositif. On casse la logique qui prédominait jusqu’ici où pour un public spécifique on créait un dispositif que l’on confiait à un opérateur donné. Avec Transitions collectives, il s’agit de mettre tout le monde autour de la table pour organiser un dialogue territorial. Dans ce sens, les branches professionnelles et leurs observatoires, les Régions à travers leur Crefop ou encore les Carif-Oref ont aussi un rôle à jouer pour poser les bons diagnostiques sur les besoins en compétences par bassin d’emplois, secteurs économiques…

Quel est le rôle de Certif Pro ?

Certif Pro est la tête de réseau des Transitions Pro et l’instrument des partenaires sociaux. Après la phase de concertation, assure le suivi du dispositif en lien avec la DGEFP mais aussi un rôle d’animation et d’appui au réseau. Les Transitions Pro en région assurent avec les Direccte la coordination opérationnelle du dispositif et de l’écosystème de ses acteurs territoriaux.

Des appels à manifestation d’intérêt ont été lancés dans les territoires pour développer des plateformes d’appui aux transitions professionnelles. Quels sont les premiers retours ?

Les plateformes territoriales ont vocation à faire le lien entre les entreprises en quête de compétences et les salariés prêts à apprendre un métier d’avenir. Car le paradoxe de cette période, c’est que d’un côté nous observons une destruction massive d’emplois et de l’autre un volume toujours important d’emplois non pourvus par manque de compétences. Elles ont aussi vocation à rendre lisible l’offre de service des différents acteurs des transitions professionnelles. Pour la première vague d’appel à manifestation, 98 dossiers ont été présentés. Certains sont portés par des Opco, des transitions Pro, voire directement des partenaires sociaux, d’autres concernent plus particulièrement les « Territoires d’Industries » où l’on retrouve par exemple des agglo de communes comme pilotes du projet… Une deuxième vague d’appel à manifestation d’intérêt est prévue fin février. D’ici le mois de juin, nous ferons un premier bilan des projets de transitions collectives mis en œuvre.

Anne-Cécile Geoffroy

Cet article a été publié initialement le 8 février 2021 sur le site Dialogue-entreprise.fr

A Savoir #10 : l’apprentissage

Articles, podcasts, études, vidéos… : A savoir égal vous propose sa revue de web autour d’une notion sociale dans l’actualité ou l’air du temps. Au menu de ce #10 : l’apprentissage. Découvrez et partagez !

En ce début d’année 2021, l’apprentissage est sous le feu des projecteurs. Certes, il semble avoir désormais pris son envol, franchissant en 2020 la barre symbolique des 500 000 contrats, dont 495 000 dans le secteur privé. Des entreprises se sont dotées de leur propre CFA comme la société de transport Keolis qui vient d’ouvrir le sien à Bordeaux explique le quotidien régional Sud Ouest. D’autres, comme l’association d’aide à domicile ADMR, font de l’apprentissage leur nouvelle voie de recrutement, pour mieux préparer les jeunes à ces métiers difficiles et faire baisser le turnover explique La Voix du Nord . Autant de lueurs d’espoir pour l’emploi des jeunes, à une époque où leur avenir professionnel se heurte au mur des crises sanitaire et économique ? Il est sans doute trop tôt pour le dire, d’autant que derrière ce chiffre se cache une réalité plus nuancée.

En effet, le taux de rupture des contrats d’apprentissage est loin d’être anecdotique. Sur le site d’Alternatives Économiques, Michel Abhervé, spécialiste de l’ESS, en fait le décompte précis sur son blog.

Par ailleurs, nombre de jeunes apprentis se retrouvent aujourd’hui sans employeur ce qui a conduit le ministère du Travail à sonner la mobilisation des acteurs comme le relate cet article publié sur le site de la Banque des territoires. Ainsi le réseau des Carif-Oref vient-il de publier une cartographie des apprentis sans emploi pour tenter de rapprocher l’offre et les demande sur les territoires.

Ce sont aussi les pratiques de certains établissements peu scrupuleux qui interpellent : l’AEF relaye ainsi les inquiétudes de l’Anaf, alertée par le témoignages d’étudiants sans employeurs, sommés par leur établissement de payer des frais d’inscription. Des dérives que Qualiopi pourrait freiner, espère le président de la FFP interrogé à ce même sujet dans cet article de l’Humanité. Rappelons que comme tous les organismes de formation, les CFA ont jusqu’en 2022 pour obtenir cette certification qualité.

Mais pour l’heure, c’est aussi le sort des coûts-contrats qui mobilise les CFA, en particulier dans l’enseignement supérieur. Une “épée de Damoclès” toujours présente, selon le président du réseau Anasup, interviewé par le site InfoSocialRH. De fait, le modèle de financement des CFA est un enjeu stratégique pour pérenniser le succès de l’apprentissage. La transformation du modèle économique des CFA se posera à terme rappelle un article du Centre Inffo. Ces questions seront au cœur de la rencontre entre les acteurs de l’apprentissage et le ministère du Travail le 16 mars prochain, qui devra aussi statuer sur la prolongation des aides à l’embauche.